Les femmes resteront-elles les laissées-pour-compte de la République ?
La loi pour protéger la femme de la violence domestique, un sujet qui concerne des milliers de Libanaises, ne semble pas être aux yeux de nos responsables une affaire suffisamment urgente pour être débattue et approuvée sans délais en Conseil des ministres.
À la grande surprise de la Coalition nationale pour la promulgation d'une loi protégeant la femme de la violence domestique, qui compte dix-huit ONG fondatrices, dont Kafa, qui est à l'origine de cette initiative lancée en 2007, le Conseil des ministres a en effet décidé, dans sa dernière séance avant les législatives, mardi dernier, de renvoyer la loi à une commission ad hoc pour étude. Entre-temps, les femmes violentées, parfois jusqu'à la mort par l'un des membres de la famille (voir L'Orient-Le Jour du 25 mai 2009) n'ont qu'à patienter pour quelques mois, voire quelques années supplémentaires, avant de pouvoir obtenir justice. Rien ne presse...
Cette décision du Conseil des ministres est surprenante puisque la version finale du projet de loi a été adressée, en septembre 2008, aux trente ministres pour examen, comme l'a précisé Mme Zoya Rouhana, directrice de Kafa, au cours d'une conférence de presse tenue hier au siège de l'ordre de la presse. Huit mois ne leur ont apparemment pas suffi pour ce faire. De plus, la commission ad hoc compte des ministres (Ibrahim Najjar, Bahia Hariri, Khaled Kabbani et Mario Aoun) qui avaient déjà affirmé leur soutien à la promulgation d'une telle loi. « En prenant une telle décision, notre gouvernement cherche-t-il à confirmer le slogan selon lequel les commissions sont la tombe des projets ? », se demande à juste titre Mme Rouhana. La loi permettant à la femme d'accorder sa nationalité à ses enfants, qui n'a pas encore été mise à l'ordre du jour du Conseil des ministres, est, en effet, un autre exemple de l'apathie flagrante de nos gouvernants lorsqu'il s'agit d'accorder aux femmes de ce pays leurs droits les plus élémentaires.
Rappelons que la procédure administrative relative au projet de loi pour protéger la femme de la violence domestique a été rapidement achevée. Le projet de loi a été approuvé et signé par les ministres concernés, c'est-à-dire ceux de l'Intérieur et des Affaires sociales. De plus, depuis sa formation, le gouvernement de Fouad Siniora s'est engagé officiellement - dans la clause 61 de la Déclaration ministérielle - et sérieusement, à lutter contre la violence contre la femme.
Que s'est-il passé mardi dernier au Conseil des ministres ? « Pourquoi cette loi, qui figurait en tête de liste de l'ordre du jour de la séance, n'a pas été approuvée, sachant que le président de la République, le chef du gouvernement et les quatorze ministres que nous avions rencontrés étaient favorables à cette loi ? », qui prévoit un mécanisme permettant à une femme victime d'une violence domestique de recourir à la justice, se demande, révoltée, Mme Rouhana.
Et de clôturer son intervention en appelant les femmes à boycotter les législatives. Elle explique dans ce cadre que « les forces politiques qui n'accordent pas à la femme le droit d'obtenir la tutelle de ses enfants et de leur donner la nationalité et les forces politiques qui ne garantissent pas à la femme son droit élémentaire d'être protégée contre la violence demeurent des forces politiques qui ne reconnaissent pas la femme comme citoyenne, mais comme une simple voix à glisser dans l'urne ». « Boycottons les législatives jusqu'à ce que les femmes soient reconnues comme citoyennes et partenaires dans ce pays », lance-t-elle.