Les savons « antibactériens » sont-ils utiles ?

 

Les savons, les produits ménagers, les soins du corps – les déodorants par exemple –, certains produits de beauté et les lingettes pour bébés sont estampillés de la mention « antibactériens ». Autrement dit, ils contiennent un agent qui tue les bactéries. À quoi sert l'addition de ce produit ? Est-il bénéfique ?

On élimine les bactéries en utilisant du savon et de l'eau chaude, de l'alcool ou de l'eau de Javel. Le savon décolle la saleté, les corps gras et les microbes des surfaces qui sont alors éliminés par de l'eau. L'alcool, quant à lui, détruit des composants des cellules (de la peau et des bactéries), puis il s'évapore. Il en va de même de l'eau de Javel. Au contraire, les produits utilisant des antibactériens tuent les bactéries, mais laissent des résidus.


Des inconvénients...


Or ces traces d'antibactérien posent problème. Si quelques bactéries résistent à ce produit, elles se développent sans entraves et prennent le dessus sur les autres bactéries non résistantes : la nouvelle population bactérienne résistera à une deuxième attaque du même agent antibactérien. « Ce qui ne tue pas rend plus fort » ; en d'autres termes, ces savons sélectionnent les bactéries qui leur résistent et sont donc souvent inefficaces, du moins à long terme.


En outre, quand les bactéries deviennent résistantes à ces savons, elles sont parfois moins sensibles à certains antibiotiques (auxquels elles n'ont pourtant jamais été exposées). Ainsi, ce phénomène dit de résistance croisée a été mis en évidence pour le triclosan, un des antibactériens les plus communs. Des mutations génétiques apparaissent dans des bactéries exposées au triclosan pendant de longues périodes : elles rendent alors les micro-organismes résistants à l'isoniazide, un antibiotique utilisé pour traiter la tuberculose.


D'autres mutations permettent aux bactéries de stimuler leurs pompes moléculaires qui expulsent les antibiotiques ; en effet, un des mécanismes de résistance aux antibiotiques des bactéries est d'empêcher le médicament d'atteindre sa cible bactérienne en l'expulsant de la cellule. C'est le cas par exemple de la résistance à la ciprofloxacine, utilisée pour traiter la maladie du charbon. On a montré ces effets des savons antibactériens en laboratoire, mais il est probable qu'ils aient lieu dans des environnements naturels.


Qui plus est, on retrouve de grandes quantités de triclosan ou de son analogue chimique, le triclocarban, dans les cours d'eau et les rivières. Ces deux produits polluent aussi les stations d'épuration, car ils sont souvent utilisés dans les engrais. Ce qui laisse penser qu'ils pourraient contaminer l'alimentation. Tout cela ne fait qu'augmenter la résistance des bactéries à leur environnement.


On a aussi trouvé du triclosan dans le lait maternel, bien que ce soit à des concentrations considérées comme inoffensives pour les bébés. Il en existe aussi dans le sang humain.


Pour l'instant, il n'existe aucune preuve que les concentrations de triclosan retrouvées dans l'organisme soient dangereuses. Mais des études récentes suggèrent que de telles doses perturbent les systèmes hormonaux des grenouilles et des rats.
...mais aucun avantage


En conséquence, la présence de ces additifs antibactériens est douteuse. Un comité d'experts convoqué par l'Administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments (la Food and drug administration) a conclu qu'il n'y a pas assez de preuves montrant un quelconque bénéfice de ces savons antibactériens.


Quelques scientifiques affirment tout de même que l'utilisation de produits antibactériens est justifiée dans les familles où des personnes ont un système immunitaire affaibli et dans les hôpitaux où de nombreuses souches bactériennes pathogènes sont souvent présentes. Mais en général, le meilleur moyen de rester en bonne santé est de se laver les mains au moins trois fois par jour à l'eau savonneuse.

Reference Pour La Science