Gaz et aerosols, un tango d’interactions climatiques
On connaissait la capacité du méthane et du monoxyde de carbone à participer à l’effet de serre. Leur impact est peut-être sous-estimé. Une équipe conduite par le Goddard Institute of Space Studies (Nasa) a tenté de modéliser les réactions chimiques dans lesquelles interviennent ces deux gaz. Ils tendraient à réduire la formation d’aérosols sulfatés, des poussières qui tendent à réfléchir l’énergie solaire, et donc à rafraîchir le climat. En revanche, les oxydes d’azote auraient un effet bénéfique sur le climat.
Aujourd’hui, les modèles climatiques tiennent compte de la capacité du méthane et du monoxyde de carbone à absorber le rayonnement solaire. Le méthane provient des élevages, des rizières, des tourbières, des décharges à ciel ouvert, des fuites dans les réseaux de distribution de gaz de ville et, sans doute, du dégel des pergélisol dans les régions boréales. Le monoxyde de carbone provient lui de la combustion de sources fossiles (charbon, pétrole, gaz) dans les usines, les centrales, et les véhicules. Mais une fois dans l’atmosphère, ces deux gaz ne se contentent pas de participer à l’effet de serre, et de réchauffer le climat terrestre. Ils sont aussi très réactifs. Un rôle encore mal connu qui handicape les modèles de simulation du climat.
Les aérosols sulfatés se comportent comme de minuscules miroirs vis à vis de l’énergie solaire. Ils sont le fruit de la combustion des énergies fossiles, mais aussi des feux de forêts et des volcans. Mais ces aérosols ne sont pas directement émis. Ils apparaissent dans l’atmosphère, à partir de réactions chimiques qui transforment le dioxyde de soufre (SO2), un gaz, sous l’effet de molécules baptisées hydroxyles. Elles sont si réactives qu’on les considère parfois comme des détergents, capable de nettoyer des pollutions de l’air.
Le phénomène mis en évidence par les chercheurs de la Nasa dans Science (1) est la capacité du méthane et du monoxyde de carbone à «consommer» des radicaux hydroxyles. La hausse de la concentration de méthane aurait réduit de 26% la quantité d’hydroxyles, et de 11% la concentration d’aérosols sulfatés. La bonne nouvelle, c’est que cette réduction de ces aérosols tend à réduire les phénomènes de pluies acides, et réduit l’impact sanitaire de cette pollution soufrée. La mauvaise, c’est que le pouvoir réchauffant du méthane sur le climat serait donc plus important que prévu. Et c’est la même chose pour le monoxyde de carbone, dont la hausse des émissions aurait fait baisser la concentration d’aérosols sulfatés de 9%. En revanche, la prise en compte des interactions chimiques impliquant les oxydes d’azote, d’autres gaz émis par la combustion des hydrocarbures et par l’agriculture, montrerait un effet rafraîchissant sur le climat.
Ces résultats, qui sont obtenus à partir de modèles, devront encore être confirmés. Ils confirment que la connaissance des nombreuses réactions chimiques qui conduisent à la formation d’aérosols est indispensable pour améliorer la fiabilité des prévisions sur le climat. Il faudra aussi tenir compte de l’évolution de l’émissions des gaz précurseurs: les rejets de dioxyde de soufre, par exemple, ont fortement baissé depuis une trentaine d’années.
(1) Edition du 30 octobre 2009