Les boussoles perdent le Nord
Au cœur de notre planète se jouent de profonds mouvements, qui modifient le fonctionnement de la dynamo où naît le champ magnétique terrestre. Lors du congrès annuel de l’Union américaine de géophysique (AGU), une équipe française a livré ses derniers calculs. Le pôle nord magnétique se déplace à grande vitesse, 55 kilomètres par an, et se rapproche d’année en année du pôle géographique.
Si dans le langage courant la Terre possède deux pôles, physiciens et navigateurs savent depuis longtemps que c’est faux: car si les pôles géographiques, qui marquent l’axe de rotation de la Terre, ne bougent pas ou presque (1), les pôles magnétiques sont en perpétuel mouvement, suivant ce qui se passe dans les entrailles de la planète. Aujourd’hui, le pôle Nord magnétique se trouve à 550 kilomètres au sud du pôle géographique, ou plutôt se trouvait à cette distance en 2007, lors des relevés effectués cette année là par une équipe franco-canadienne. En 1831, quand Ross l’a localisé pour la première fois, il se trouvait au Cap Adélaïde, dans le nord du Canada. En 1904, Amundsen l’a localisé à nouveau, pratiquement au même endroit. Puis, il a entamé son mouvement, à moins de 10 kilomètres par an, jusqu’en 1980. Quelques années plus tard, le mouvement s’est accéléré, pour se stabiliser à environ 55 kilomètres par an. A ce rythme, il pourrait atteindre les côtes sibériennes en 2040, estime l’Institut polaire. En avril 2007, le pôle nord magnétique se trouvait à une latitude de 83.95°N et une longitude de 121.02°O.
Aujourd’hui, l’écart entre les direction du nord magnétique et du nord géographique —la déclinaison magnétique— joue un rôle moins essentiel dans le transport maritime et aérien. Les systèmes de positionnement par satellite fournissent en effet une localisation indépendante du champ magnétique terrestre. Mais dans le passé, la déclinaison —qui se mesure localement— devait être régulièrement mise à jour sur les cartes, pour permettre de corriger les relevés magnétiques et positionner les navires sur les cartes. Et bien des plaisanciers utilisent encore un compas magnétique pour estimer relever des sites remarquables (les amers) qui permettent de se positionner, et l’instrument reste précieux en cas de panne du récepteur GPS. C’est pour cette raison que le Service hydrographique de la marine française (SHOM) remet donc régulièrement à jour ses cartes pour tenir compte des variations du champ magnétique terrestre.
(1) Ils sont soumis à une légère oscillation de l’axe de rotation de la Terre, suivant un cycle de 433 jours.
Image: En haut: compas de relèvement magnétique © Denis Delbecq. En bas: déplacement du pôle nord magnétique © IPGP