Des decouvertes exceptionnelles relatent les rites funeraires de Sidon

Sur le site de l'ancienne école américaine de Saïda, où la mission archéologique du British Museum mène ses fouilles depuis 11 années, les vestiges des Ier, IIe et IIIe millénaires avant-J.C. ainsi que ceux des époques romaine et abbasside s'exposent au grand jour, dévoilant un haut lieu de rites funéraires.


« L'image du site se concrétise. Il ne renferme aucune habitation normale et semble avoir été, tout au long des siècles, un haut lieu de rites liés aux funéraires », indique Claude Doumet Serhal, qui dirige les excavations depuis 1998. Au niveau du IIe millénaire, les strates du Bronze moyen ont révélé jusqu'à aujourd'hui 108 tombes renfermant des squelettes et un bâtiment public au sol dallé qui va au-delà de 52 mètres de long, « identifié comme étant un temple ». En cherchant les limites de cette structure datée de 1 600-1 500 avant-J.C., les archéologues ont mis au jour les restes du vase de la reine Tawofret, successeur de Ramsès II, trouvé il y a cinq ans sur le site des fouilles. Mais aussi des fours à pain accolés aux tombes. « Ce qui laisse supposer un rituel funéraire de nourriture. »
Le programme de flottation et les analyses menés par un spécialiste de University College of London ont permis de relever au sein de ces fours les résidus de lentilles, de pois chiches, d'haricots blancs et de restes d'animaux. « Les funérailles et le deuil étaient donc l'occasion de dresser devant la tombe un banquet », explique Claude Serhal. L'âme devant être alimentée par des offrandes, le mort ayant besoin de nourriture et de breuvage, il était du devoir des vivants de satisfaire ces besoins. Ainsi, dans une des chambres du temple, les archéologues ont déterré 500 lampes à huile et 300 assiettes délibérément brisées. « Comme à Ebla et à Peldaba'a, dans le Delta du Nil, ici aussi on pratiquait le rituel de manger et de casser les assiettes », signale la directrice du chantier, soulignant que la quantité de lampes à huile découvertes porte à croire que le temple n'avait pas de fenêtres ou bien que le rituel se déroulait la nuit.
 
Le rituel de boissons et de banquets s'installe aussi au niveau des couches du Bronze récent où les spécialistes ont dégagé un autre édifice ainsi qu'une « impressionnante quantité » de céramiques de Mycènes et de vases à champagne très pointus qu'on appelle des rythons. Les investigations ont mis également au jour une figurine cananéenne en pierre ; un immense encensoir et, à côté, déposée comme une offrande, une jarre renfermant neuf astragales, « os du pied qui, archéologiquement parlant, a toujours eu, et on ne sait pas pourquoi, une connotation rituelle et votive. Ce rituel de l'époque cananéenne qui nous était jusqu'alors totalement inconnu va nous permettre d'écrire une histoire fabuleuse », fait observer Claude Doumet Serhal.
Quant au bâtiment du IIIe millénaire, il est aussi un « lieu économico-religieux » comportant plusieurs petits foyers, où l'on faisait la cuisine, et des chambres ayant chacune une fonction précise : des unités de rangements pour la conservation des grains (quelque 160 kilos de résidus de blés carbonisés ont été trouvés), une installation domestique dotée d'un « gigantesque » four et une quantité de grandes arêtes de poissons (sans tête), six silex (couteaux) en forme de lame pour les nettoyer et un lot industriel d'hameçons. L'analyse des squelettes de poissons a permis de révéler des espèces de requins et de baleines. Une petite structure en brique brûlée démontre d'ailleurs qu'il existait une pièce spécialisée pour le séchage du poisson.
Le site, où grouillent plus de 90 archéologues, spécialistes et ouvriers qui travaillent simultanément à tous les niveaux, a également dévoilé 21 figurines en terre cuite (représentant des déesses) datant de l'époque perse et une collection de céramiques attiques. Un grand bâtiment romain ayant conservé une bonne partie de son dallage et des traces de l'époque abbasside ont été aussi identifiés.
Signalons enfin que les travaux d'excavation du British Museum sont menés en collaboration avec la Direction générale des antiquités et sont financés par les Fondations Old House, Hariri, Farès, la Cimenterie nationale et Murex. Et les objets de fouilles sont restaurés dans le laboratoire d'Isabelle Skaff.