À travers le Liban, les cultures subissent les lubies du climat. Entre destruction des plantations et difficulté du secteur agricole, les agriculteurs espèrent encore que la seconde moitié de l'hiver sera plus « stable » au niveau climatique.
Le président de l'Association des agriculteurs Antoine Howayek explique que le « froid tardif et soudain a perturbé le cycle naturel de ce type de rosacées ». Notons que les rosacées sont une famille botanique qui réunit 3 370 espèces réparties en plus d'une centaine de genres. Mise à part l'amande, d'autres fruits à noyau, tels que la pêche, l'abricot, la cerise, la prune, la pomme et le coing, entres autres, font également partie des rosacées. Pour les amandiers, ainsi que certains pêchers et abricotiers, le climat a été anormalement doux. Cela a déclenché plus tôt que prévu le processus de bourgeonnement, a indiqué le président de l'association. Les bourgeons grossissent trop rapidement et les arbres finissent par fleurir plus tôt que prévu, a-t-il ajouté. Mais, « cerise sur le gâteau », la grêle et la neige qui sont arrivées en grande pompe ont vite fait de détruire les fleurs de ces rosacées.
Pourtant, l'amande n'est pas le seul fruit à être touché. Certaines graminées comme le blé, pour se protéger des vents et de la pluie, développent des épis plus courts que prévu. Comme l'a expliqué le responsable de la région du Sud au sein de l'Association des agriculteurs, Ramez Osseirane, « un épi plus court donne, par définition, moins de graines. C'est un manque à gagner pour les agriculteurs ».
Même son de cloche du côté de la Békaa où la météo a également joué les trouble-fête. Akram Mehanna, le président de l'Association des agriculteurs du nord de la Békaa, explique : « Cet hiver est exceptionnel en termes du niveau des précipitations et de l'extension de la période chaude. » Ici aussi, les rosacées ont également été victimes du mauvais temps. Le froid de ces derniers jours a anéanti les fleurs puisque la température a chuté d'une manière drastique, a ajouté M. Méhanna. « Les cultures de laitue comme celles des choux ont été détruites par l'extension de la période chaude, alors que plusieurs autres plantations baignent sous une couche d'eau. Les agriculteurs dont les terres ne sont pas surélevées risquent de perdre une grande partie de leurs produits », s'insurge ce responsable.
Le bilan est plus mitigé pour les régions montagneuses. En effet, le président du syndicat de la pomme et des arbres fruitiers, Fouad Nasr, indique que les régions montagneuses, c'est-à-dire celles qui se trouvent à plus de 400 mètres au-dessus du niveau de la mer, « ont été plus épargnées que le littoral et les plaines de la Békaa ». Les arbres fruitiers n'y ont pas été autrement endommagés. Pourtant, ce sont les cultures sous serres qui souffrent du grand froid » a-t-il ajouté. En effet, les systèmes de réchauffement des serres sont très chers et peu d'agriculteurs sont en mesure d'installer ces dispositifs qui permettent de lutter contre le froid et d'avoir la même température à travers les mois d'hiver.
Dérèglement de la stabilité écologique
Le retard du froid a également pesé lourd sur la lutte contre certains insectes qui détruisent les cultures. En effet, comme l'a souligné Ramez Osseirane, « le froid contribue à anéantir certains insectes néfastes aux cultures ». Les agriculteurs comptent sur l'équilibre des saisons pour éviter d'utiliser une grande quantité de pesticides, a-t-il souligné. De plus, la neige est un facteur qui aurait constitué, lors du processus de fonte, les réserves nécessaires pour les mois chauds de l'année. Le retard des chutes de neige a inquiété les agriculteurs qui se soucient de l'irrigation de leurs cultures durant la période estivale. Paradoxalement, les fleuves qui ont regorgé d'eau, comme le Litani, ces derniers jours ont débordé dans les champs, noyant ainsi les nouvelles pousses. Pour ce responsable agricole, c'est « la totalité de l'écosystème qui est rompu ». « La qualité des produits sera également altérée », déplore-t-il.
Quid des conséquences sur les consommateurs ? « Aucune », s'il faut en croire Akram Méhanna. Ce responsable explique qu'il serait impossible d'augmenter les prix. D'abord à cause de l'offre et de la demande, ensuite parce que si les agriculteurs décidaient d'augmenter les tarifs, il suffirait de quelques heures seulement pour que le marché soit inondé par les produits syriens », se rend à l'évidence cet expert du marché agricole.
Et l'État alors ? « L'État ? répond-il, il promet mais n'exécute pas. On attend encore les dédommagements de la guerre de juillet ! » Dame nature aurait-elle pris parti pour l'État ?
Rf: L'Orient le Jour